QUELLE POLITIQUE DE SANTE POUR LE NOUVEAU QUINQUENNAT ?

Si son programme santé s'inscrit globalement dans la continuité de son premier mandat, le président Macron souhaite mettre encore plus l'accent sur la prévention, la lutte contre les déserts médicaux et l'attractivité des métiers du soin.
27 avril 2022 par
QUELLE POLITIQUE DE SANTE POUR LE NOUVEAU QUINQUENNAT ?
LES ECHOS ETUDES
Étonnamment, plus de deux ans après le début de l’épidémie de Covid-19, la campagne qui vient de s’achever a donné peu de place aux questions de santé. Éprouvés par la crise sanitaire, les professionnels de santé et les patients attendent pourtant des mesures fortes pour les cinq prochaines années. Les premiers en faveur de leurs conditions de travail et de leurs rémunérations, les seconds pour lutter contre les déserts médicaux. Des préoccupations reprises dans le programme du président réélu et qui devraient être au cœur de la « convention des parties prenantes », sorte de COP de la santé qui réunira, à une date encore inconnue, l’ensemble des représentants et des acteurs du système de santé (hospitaliers, libéraux, usagers/patients et collectivités locales). Un temps d’échanges pour tirer les enseignements de la crise sanitaire et travailler sur les priorités des cinq prochaines années.

Prévention et extension du 100 % Santé
Plusieurs mesures ont été annoncées au cours des dernières semaines. Citons la mise en place de bilans de santé aux âges clés de la vie (25, 45 et 60 ans), intégralement remboursés par l’Assurance maladie. Des bilans qui permettront notamment de renforcer la santé au travail et le dépistage précoce des cancers. Autre initiative annoncée : l’amélioration de la santé des enfants. Emmanuel Macron souhaite accroître les moyens alloués à la médecine scolaire, former plus de professionnels de santé spécialisés dans la santé infantile (psychomotriciens, orthoptistes et orthophonistes) et créer un « brevet de santé publique » à la fin de l’école primaire. Une augmentation du nombre d’heures allouées au sport scolaire est aussi évoquée (30 minutes par jour en primaire et 2 heures de plus par semaine au collège).

Fort de la réussite du 100 % Santé, mesure phare du précédent quinquennat, le président pourrait étendre cette réforme à l’orthodontie, soins particulièrement coûteux pour les familles concernées. Pour aller encore plus loin dans la suppression des restes à charge, Emmanuel Macron propose de mettre en place le tiers-payant intégral (dispense des frais pour le patient, incluant la part remboursée par la complémentaire santé). Deux mesures qui devraient trouver un écho favorable auprès des Français, confrontés aux pressions inflationnistes qui pèsent sur leur pouvoir d’achat.

Lutte contre les pénuries de professionnels de santé et les déserts médicaux
Autre volet majeur du programme dont la résonance politique est forte : l’amélioration des conditions de travail et des rémunérations au sein du secteur hospitalier public. La crise sanitaire a aggravé les tensions et les pénuries au sein de certaines catégories de personnel. Dans son programme, le président souhaite « poursuivre le sauvetage de l’hôpital », promettant ainsi le recrutement d’infirmiers et d’aides-soignants, un allègement des charges administratives pour les soignants et un renforcement de la place des médecins dans la gouvernance des établissements.

Sur la question prégnante des déserts médicaux, le président prône une approche territoriale, pilotée par les ARS, afin d’adapter les solutions aux spécificités du terrain et aux besoins de la population. Le développement des CPTS (713 en projet ou déjà opérationnelles en avril 2022) et les créations de MSP devraient se poursuivre dans les années à venir. De même que les coopérations interprofessionnelles, les pratiques avancées, l’embauche de nouveaux assistants médicaux et le déploiement de la télémédecine, pour laquelle certains obstacles ont d’ores et déjà été levés. Pour accélérer le développement de la télésanté, Emmanuel Macron promet que l’ensemble du territoire national sera couvert par la fibre en 2025. En outre, 20 000 « accompagnateurs » devraient être recrutés pour aider les Français à s’approprier les nouveaux usages numériques, y compris dans la santé.

Autonomie des personnes âgées et virage domiciliaire
Sur le dossier (inachevé) de l’autonomie et du virage domiciliaire, une grande réforme est annoncée. Les moyens humains dans les Ehpad devraient être renforcés, avec le recrutement de 50 000 infirmiers et aides-soignants d’ici 2027 (+ 25 % par rapport à 2022). Emmanuel Macron a, par ailleurs, annoncé la création d’une allocation destinée à l’aménagement des logements des personnes âgées : une « Prime Adapt’ », versée sous condition de ressources, qui prendra en charge jusqu’à 70 % des coûts des travaux d‘adaptation. Les services de maintien à domicile devraient être renforcés et réorganisés, avec la mise à disposition d’un interlocuteur unique pour l’aidant ou la personne âgée, chargé de coordonner l’ensemble de ces services.

Innovation et relocalisation industrielle
Dans ce domaine, le programme présenté lors de la campagne n’a pas apporté de mesures nouvelles. Il a repris les objectifs du plan France 2030 et du dernier CSIS : relocalisation de la production de certains médicaments, accélération des efforts dans la bio-production, notamment dans les domaines du cancer, des maladies émergentes et des pathologies chroniques, et soutien public aux innovations technologiques, comme les exosquelettes par exemple.

À noter qu’aucune mesure de régulation comptable des dépenses de santé n’a été annoncée lors de la campagne, malgré l’aggravation importante des déficits de l’Assurance maladie. Même si cette question devrait se présenter rapidement, le président-candidat a laissé de côté les questions économiques et a préféré évoquer les nouveaux investissements et l’évolution des organisations de soins.
                RAPPEL DES MESURES PHARES DU PRECEDENT QUINQUENNAT

                Assurance santé 

                - Réforme du 100 % Santé : 0 reste à charge sur des paniers de biens médicaux (optique et audioprothèse) et de soins dentaires 

                Numérique et e-santé 

                - Feuille de route du numérique en santé lancée en 2018

                - Création du Health Data Hub

                - Ouverture de ParisSanté Campus (espace de formation, de recherche, d'innovation et d'entrepreneuriat destiné à la santé numérique)

                - Entrée dans le droit commun de la téléconsultation, de la téléexpertise et de la télésurveillance médicale

                - Mise en place d’une procédure d’accès précoce pour certains DM communicants innovants et thérapies numériques revendiquant une efficacité sur le plan clinique ou un impact significatif sur l’organisation des soins

                - Ouverture de Mon Espace Santé au 1er trimestre 2022

                - Création d’une agence nationale de l’innovation en santé (guichet unique pour les porteurs de projets, pilote du plan Innovation Santé)

                - Enveloppe budgétaire de 2 Md€ allouée à BPIfrance pour soutenir la création, le développement et l’industrialisation des start-up spécialisées dans la santé et la e-santé 

                Accès aux soins et virage ambulatoire

                - Création de postes d’assistants médicaux dans les cabinets de groupe et les MSP

                - Déploiement des CPTS (objectif de 1 000 d’ici fin 2022) et des MSP sur l’ensemble du territoire, création de nouveaux centres de santé

                - Développement des coopérations interprofessionnelles et des pratiques avancées (orthoptistes, kiné), augmentation du nombre d’IPA 

                - Déploiement du Service d’accès aux soins (SAS)

                - Déploiement des maisons de naissance et des hôtels hospitaliers

                - Elargissement des services pharmaceutiques (téléconsultation, télésoin, vaccination, test covid, entretien anticancéreux oraux, pharmacien correspondant, dispensation adaptée, renouvellement de traitements chroniques, réalisation de Trod, expérimentation de la dispensation des substituts nicotiniques…)

                Prévention santé 

                - Service sanitaire obligatoire pour les étudiants en santé

                - Lutte contre les addictions liées aux substances psychoactives, augmentation du prix du paquet de cigarettes à 10€

                - Extension de la vaccination obligatoire pour les nourrissons

                - Contraception gratuite pour les femmes jusqu’à 25 ans

                - Initiation de la prophylaxie pré-exposition (PrEP) au VIH

                - Dépistage gratuit du VIH sans ordonnance

                - Stratégie nationale de lutte contre l’endométriose

                - Consultation psychologique (8 séances gratuites)

                Autonomie des personnes âgées 

                - Création du 5e risque couvert par la Sécurité sociale, géré par la CNSA

                - Enveloppe budgétaire de 2,1 Md€ allouée aux établissements médico-sociaux 

                Souveraineté industrielle et médicale

                - Soutien à la recherche biomédicale (instituts hospitalo-universitaires, clusters, biobanques)

                - Aide publique à la relocalisation industrielle de certains médicaments, en particulier ceux d’intérêt thérapeutique majeur (MITM), les principes actifs ou les intermédiaires entrant dans leur formulation 

                - Soutien de la bio-production (objectif de 20 biomédicaments produits en France d’ici 2030)

                - Mise en place d’une procédure d’accès au marché plus rapide pour les médicaments d’ASMR 1 à 4

                - Soutien au secteur des DM innovants 

                Plan de crise Ségur de la santé (33 mesures)

                - 19 Md€ d’investissements dont 13 Md€ de reprise de dettes des établissements publics

                - Création du Conseil national de l’investissement en santé, déconcentration du pilotage des investissements hospitaliers

                - Réforme du financement des établissements, abaissement de la part de la T2A au profit de dotations populationnelles et financement à l’activité

                - Revalorisation des rémunérations et des carrières dans les établissements hospitaliers et les Ehpad publics

                - 15 000 recrutements annoncés dans les établissements de santé publics 

                - Réouverture de 4 000 lits « à la demande »

                Liste non exhaustive.

                        Pour aller plus loin, découvrez les études du secteur Pharmacie-Santé
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