La diversification du comanufacturing

13 juillet 2002 par
La diversification du comanufacturing
Les Echos Etudes

Le comanufacturing se distingue du copacking par la diversité des prestations auxquelles il donne lieu : alors que le copacking consiste en opérations basiques (une
vingtaine au maximum, combinées selon les besoins du client), il n’y a pas de limite aux prestations de comanufacturing comme le montre notre étude de marché. Pour un prestataire généraliste, réalisant à la fois la fabrication, le conditionnement et la logistique, il est donc difficile d’être bon dans tous les domaines et de suivre l’évolution des techniques et des pratiques pour chacun de ces marchés. Le marché du comanufacturing, même s’il connaît une forte croissance, est encore confidentiel, surtout comparé à celui du copacking et de la logistique. Le risque est donc que le service comanufacturing se retrouve marginalisé au sein de prestataires aux compétences étendues et aux métiers trop diversifiés. De fait, ce service ne bénéficierait pas des ressources financières et humaines nécessaires à un développement au rythme du marché : le prestataire logistique aurait du mal à atteindre une taille critique sur le marché qui serait dominé par des prestataires spécialisés en comanufacturing. Enfin, il est difficile d’exploiter des synergies entre le comanufacturing, le copacking et la logistique. L’idée de proposer une offre intégrée a accéléré le rapprochement des prestataires conditionneurs et des prestataires logistiques. Or, les offres intégrées ne représentent qu’une faible part de l’activité des prestataires logistiques. Le comanufacturing ne pourra vraisemblablement être développé que comme une offre parallèle. Fort de ce triple constat, Hays Logistique a décidé de se retirer du marché du comanufacturing. Cette décision peut marquer le début d’un renversement de tendance chez les prestataires logisticiens. Hays Logistique s’était développé dans le comanufacturing grâce au rachat de Kit’Sac, un prestataire de la région lyonnaise spécialisé dans l’agro-alimentaire et dont l’activité avait été reprise sous le nom de Hays Services. En mai 2002, Hays Logistique a cédé Hays Services au management (activités de conditionnement primaire majoritairement). Toutefois, Hays Logistique garde un contact étroit avec son ancienne filiale et continue de développer une offre copacking en interne (sur trois sites pour démarrer, dont un nouveau site à Soissons dans l’Aisne).

Vers le renforcement des spécialisation des prestataires en comanufacturing...

Pour renforcer leur spécialisation, les prestataires disposent de deux moyens d’action :
• s’intégrer en amont dans la chaîne de production pour renforcer leur caractère industriel, quitte à abandonner le domaine pur de la différenciation retardée ;
• constituer des groupes de prestataires spécialisés dans une technique et/ou un secteur particuliers.
Ainsi, ils pourraient tenter de tenir leur clients captifs (grâce à une compétence accrue) tout en tenant les prestataires logisticiens à l’écart (grâce à une plus forte industrialisation de leur métier).
• L’intégration amont
Lorsque les prestataires logistiques concurrencent les prestataires spécialisés sur des opérations de copacking, c’est qu’ils remontent dans la chaîne de production, au-delà de leur positionnement historique. Ceci s’explique par la volonté de tous les prestataires de développer des prestations à plus forte valeur ajoutée. Le postulat sous-jacent est que la valeur ajoutée se trouve toujours en amont dans la chaîne de production. Si ce n’est pas toujours le cas (cela dépend en particulier de la nature du produit), cela n’empêche pas les prestataires de faire évoluer leur positionnement dans ce sens. Les prestataires en comanufacturing peuvent faire de même, non pour chercher une valeur ajoutée supplémentaire dans leur prestation, mais pour se protéger de l’intrusion des prestataires logistiques. Pour cela, il doit renforcer sa position concurrentielle et sa spécialisation dans une technique particulière. Cette stratégie se retrouve notamment chez les prestataires spécialisés dans le domaine de la pharmacie, de la chimie fine et des produits d’entretien. Le but de ses rapprochements est aussi bien de renforcer la spécialisation des prestataires que d’atteindre rapidement une taille critique pour limiter la concurrence. Toutefois, ce n’est pas la panacée en cas de difficultés pour un prestataire. Ainsi, le rachat d’Alizol par Chimiotechnic n’a pas empêché sa mise en redressement judiciaire : l’entreprise n’a jamais pu développer une offre convaincante à destination de ses clients. De même, la constitution de groupes ne règle pas le problème de la très forte exposition des prestataires à leur client principal. L’usine Pharmacia d’Evreux, rachetée par Delmas-Delpharm, s’est ainsi trouvée en difficulté quand elle a perdu le contrat de fabrication de l’édulcorant Canderel, représentant 40 % de l’activité. Le comanufacturing est apparu comme une conséquence logique de la demande d’externalisation supplémentaire de la part de certains secteurs d’activité, et notamment de la pharmacie. Des prestataires spécialisés ont répondu à cette
demande, en proposant une offre très technique. Par la suite, d’autres secteurs sont venus au comanufacturing (agro-alimentaire, électronique). Dès lors, les prestataires logistiques se sont intéressés au marché, considéré comme une extension logique de leur activité. Certains se rendent compte qu’en réalité, le comanufacturing est un métier à part qui risque d’être marginalisé au sein de groupes aux métiers trop diversifiés (transport, logistique, copacking…). Ils préfèrent donc se séparer de cette activité : c’est le cas de Hays Logistique. Pour répondre à l’intrusion des logisticiens, les prestataires spécialisés dans le comanufacturing disposent de deux moyens d’action : l’évolution de leur positionnement (en remontant dans la chaîne de production vers des opérations plus industrielles encore) ou la constitution de groupes propres à renforcer la spécialisation (dans une technique particulière). La concentration et la spécialisation des prestataires de comanufacturing devrait s’accentuer au cours des prochaines années car elle est portée par des tendances de fond : nécessité de réaliser des économies d’échelle, capacité à résister aux pressions sur les prix des clients. Ce mouvement de concentration est déjà engagé dans la pharmarcie et la chimie ; il devrait gagner des secteurs plus atomisés comme l’agroalimentaire et le high tech (électronique, informatique, téléphonie). Toutefois, à force de remonter dans la chaîne de production, les prestataires quittent progressivement le domaine du comanufacturing pour celui de la soustraitance industrielle. A partir du moment où ils n’introduisent plus de différenciation au niveau du produit, on ne peut plus parler de comanufacturing.

La diversification du comanufacturing
Les Echos Etudes 13 juillet 2002
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