Crédit photo : MOB HOTEL
Comment êtes-vous tombé dans le bain de l’entrepreneuriat hôtelier ?
Comment êtes-vous tombé dans le bain de l’entrepreneuriat hôtelier ?
Cyril Aouizerate : par le biais d’une rencontre majeure au milieu des années 90, celle avec Alain Taravella, créateur d’Altarea qui était à l’époque encore un petit groupe immobilier. À ses côtés pendant plus de 5 ans, j’ai notamment appris qu’il était possible de travailler sur des projets urbains sans forcément disposer de capitaux, et de s’implanter dans des zones grises où personne ne veut aller et d’en faire des lieux de destination.
Par la suite, j’ai eu envie de créer mon propre projet à la croisée des chemins entre la philosophie – ma formation initiale – et l’immobilier. Je considérais que l’hôtellerie industrielle de l’époque était impersonnelle dans son approche. Ma rencontre avec Serge Trigano a débouché sur la création de Mama Shelter, pionnier de l’hôtellerie lifestyle en 2008 avec la première ouverture rue de Bagnolet dans le 20e arrondissement de Paris. Ce concept à la fois populaire et moderne, pour lequel on nous avait prédit un échec cuisant, a révolutionné le secteur.
En 2014, j’ai tourné la page Mama Shelter en vendant mes parts car j’étais en désaccord avec mon associé – avec qui je suis resté en contact régulier – qui voulait faire entrer le groupe Accor dans le capital. J’ai alors choisi de m’investir dans un nouveau projet personnel qui a donné naissance à MOB HOTEL.
Avec MOB HOTEL, vous revendiquez une ligne très avant-gardiste de l’hospitalité ?
C. A. : je défends une hôtellerie plus écologique, sociale et humaine, le partage et l’hospitalité étant des valeurs fondamentales pour moi, sans doute en raison de mes racines méditerranéennes. À ce titre, MOB HOTEL est un mouvement qui prône un paradigme nouveau basé sur l’écologie sociale et la culture. Je plaide et j’agis pour l’écologie sociale car l’urgence climatique et la préoccupation sociale sont indissociablement liées.
Que trouve-t-on chez MOB HOTEL ?
C. A. : les chambres sont volontairement dépourvues de superflu, de type baignoire, télévision, armoire, même si cela nous pénalise dans le classement hôtelier. Notre restaurant a une carte 100 % bio avec des tables d’hôtes à partager pour tisser du lien social. Le toit-terrasse dispose de potagers partagés mis à disposition des riverains. La culture, moteur du désenclavement des territoires, occupe une place centrale avec l’organisation d’événements variés et gratuits où riverains et clients peuvent se croiser.
Pourquoi défendez-vous une implantation dans les zones périphériques ?
C. A. : il n’y a pas de fatalité urbaine impliquant automatiquement un développement au cœur des métropoles. Les concepts hôteliers life-style ont toute leur place au-delà du périph. Le premier MOB HOTEL a ouvert en mars 2017 à Saint-Ouen. Au-delà du prix plus attractif du foncier, Saint-Ouen était pour moi un territoire idéal, emblématique des valeurs que nous défendons au travers de notre mouvement. La mixité sociale et le brassage des cultures sont sa marque de fabrique, et les puces sont l’ancêtre de la tendance seconde main actuelle. Nos autres adresses dans le quartier Confluence émergent de Lyon et dans une friche industrielle à Bordeaux s’inscrivent dans cette même logique.
Quels objectifs vous êtes-vous fixés en termes de rentabilité ?
C. A. : l’écologie sociale ne doit pas être sacrifié sur l’autel de l’EBITDA. Nous avons capé notre rentabilité à un taux de 5/6 %. Au-delà, nous considérons que nous participons à la destruction du vivant et du rapport social. Nous répartissons le surplus dégagé dans les milieux associatifs, des projets culturels…
Qui sont vos clients ?
C. A. : la clientèle de MOB HOTEL est à 80 % française. Il s’agit notamment d’entrepreneurs jeunes, plutôt dans la création (architectes, designers, informaticiens…). Selon un sondage réalisé, 68 % de nos clients viennent chez nous pour nos engagements environnementaux et écologiques. L’essentiel des 20 % restants est d’origine scandinave (Suédois, Norvégiens, Danois, Hollandais).
Vous avez ensuite décliné le concept avec l’ouverture de MOB HOUSE ?
C. A. : MOB HOUSE, située également à Saint-Ouen, a ouvert en janvier 2022. Ce concept inédit, dont le design est une nouvelle fois signé de mon ami et associé Philippe Starck, est un lieu hybride de 100 chambres qui s’adresse aux travailleurs nomades. Chaque chambre 3 en 1 de 50 m2 est pensée pour les moyens ou longs séjours. Elle se compose tout à la fois d’un lit, d’un bureau et d’une salle de réunion pour faire des rendez-vous. La clientèle est composée à 80 % de personnes qui ont quitté Paris, mais qui ont besoin de revenir régulièrement sur Paris pour des raisons professionnelles. L’établissement est doté d’une piscine extérieure et d’un jardin de 2 000 m2. L’écologie est une nouvelle fois au cœur du concept.
Quels sont vos projets de développement ?
C. A. : je me définis comme un artisan hôtelier et ne suis pas dans une logique de développement rapide. MOB n’est pas une chaîne et chaque établissement est spécifique. Nous élaborons nos projets sur la base d’une feuille blanche en prenant le temps de comprendre l’environnement urbain, social et culturel dans lequel nous nous inscrivons. Notre développement sur la France prendra fin en 2025. Aux 3 établissements existant en France, sont prévues les ouvertures de MOB HOTEL à Cannes en mars 2024, Bordeaux début 2025 et ensuite un projet sur Nice. Nous avons également prévu de nous déployer en Europe du Nord, l’essentiel de notre clientèle étrangère étant scandinave, ce qui est cohérent car elle est très en avance sur les questions écologiques. Nous avons également des projets aux États-Unis avec un projet avancé à Washington DC.
Fiche d’identité
Dénomination : MOB HOTEL
Activité : hôtellerie écologique et sociale
Création : 2016
Parc : 2 MOB HOTEL (Saint Ouen, Lyon) et 1 MOB HOUSE
Web : www.mobhotel.com
Copyright : Les Echos Publishing
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