PHARMACIE D'OFFICINE : LE MODELE COOPERATIF, ALTERNATIVE AUX ENSEIGNES NATIONALES

Titulaire depuis 2010 dans la région de bordeaux, François Chartier est aussi président de la centrale d’achats Cap’Unipharm. Interview d’un pharmacien indépendant qui défend un modèle de groupement régional alternatif aux grands réseaux nationaux.
18 novembre 2021 par
PHARMACIE D'OFFICINE : LE MODELE COOPERATIF, ALTERNATIVE AUX ENSEIGNES NATIONALES
LES ECHOS ETUDES

Vous avez évolué pendant plus d’une vingtaine d’années au sein de l’industrie et de la répartition pharmaceutique, avant de vous installer en tant que pharmacien d’officine. En quoi vos expériences passées vous aident-elles dans votre métier de pharmacien ?

François Chartier : j’ai en effet un parcours professionnel diversifié, puisque j’ai d’abord travaillé dans l’industrie, côté production, avant de rejoindre CERP Rouen, où j’ai évolué dans différents postes au sein des agences de Caen et de Bordeaux. J’y ai mené des projets passionnants, comme l’automatisation et la modernisation du site bordelais. Arrivé à la cinquantaine, j’ai pris un nouveau virage et ai décidé de me lancer dans l’aventure officinale ! La pharmacie que j’ai reprise est dans la moyenne des officines françaises : nous sommes une équipe de 5 personnes et réalisons un chiffre d’affaires de 1,7 M€, dont 80 % généré par le remboursable. Ce que mes expériences passées m’apportent, c’est à la fois un réseau de contacts, le pilotage économique et la vision managériale du métier. Et l’envie de transmettre à de jeunes pharmaciens. J’ai récemment investi dans une 2e pharmacie pour accompagner l’installation d’un jeune pharmacien.

Revenons sur la dimension managériale de votre métier. Quelles sont aujourd’hui les compétences essentielles du pharmacien ?

F. C. : assurément la gestion du référencement et des achats. L’intensité concurrentielle devient tellement forte, avec le développement des concepts low cost et de la vente en ligne, que le pharmacien doit impérativement piloter ses achats avec une grande précision et dans l’anticipation permanente. Mais d’autres compétences sont aussi essentielles, comme la connaissance du droit du travail, l’expérience client et fournisseur, ainsi que la capacité à gérer les priorités. Dans une journée de travail, le pharmacien fait une multitude de choses, devant et derrière le comptoir. Mes anciennes fonctions m’ont appris à organiser et hiérarchiser le travail, le mien et celui de mon équipe.

Outre votre casquette de pharmacien titulaire, vous êtes aussi président de la centrale d’achats CAP’UNIPHARM. Quelle est l’origine de cette CAP ?

F. C. : c’est une histoire ancienne qui remonte à 1993, bien avant que les centrales d’achats pharmaceutiques (CAP) et les structures de regroupement à l’achat (SRA) soient créées par le décret de 2009. A l’origine, UNIPHARM 33, le nom d’origine de notre groupement, a été créé à l’initiative de plusieurs pharmaciens indépendants, sociétaires de la CERP Rouen. Installés dans la région de Bordeaux, ils ont souhaité mutualiser une partie de leurs achats sur le « hors médicament », afin de bénéficier des conditions commerciales du direct. La CERP a compris leur démarche et les a accompagnés dans le développement de cette structure, en mettant à leur disposition une aide juridique, des locaux et des moyens de transport pour assurer la livraison des produits.

UNIPHARM existait déjà dans d’autres départements.

F. C. : oui, car cette forme de regroupement a été soutenue par le développement des ventes directes et de la rétrocession, et plus largement par le besoin d’adapter les organisations commerciales et les modalités d’approvisionnement des officines. UNIPHARM s’est aussi développé dans l’ouest de la France, en Loire-Atlantique et dans la Seine Maritime notamment. Les volumes traités n’ont cessé de croître au cours des années 2000 et 2010. Ce qui a amené UNIPHARM à faire évoluer son organisation et à changer de dimension. D’autant qu’au début des années 2010, les volumes étaient devenus tellement importants qu’ils ne pouvaient plus être traités, sur le plan logistique, par la CERP.

D’où le choix d’adopter le statut de CAP ?

F. C. : c’était effectivement la forme juridique la plus adaptée, qu’UNIPHARM a adoptée en 2013. Nous avons renforcé les moyens destinés à la gestion de la structure, élargi notre activité au médicament non remboursé (ce qui nous a amené à recruter un pharmacien responsable) et acheté un entrepôt pour le stockage et la livraison des produits. Nous nous sommes aussi équipés d’un outil informatique commun pour la gestion des commandes groupées. Cette nouvelle organisation a permis d’attirer de nouveaux pharmaciens. Nous comptons aujourd’hui 90 adhérents installés dans le bordelais. Et nous n’allons pas nous arrêter là !

Cette dynamique vous a permis de vous rapprocher d’autres réseaux régionaux, sous la bannière d’Agir Pharma. Comment travaillez-vous ensemble ?

F. C. : nous avons participé à la création de ce réseau qui rassemble aujourd’hui quelque 450 pharmacies, réunies autour de 3 autres structures régionales : PUC Pharma dans la région d’Antibes, Pharmacyal à Lille et Excel Pharma dans la région parisienne. C’est à la fois un lieu d’échanges et une plate-forme commune pour nos négociations commerciales. Cette mutualisation nous permet, par ailleurs, de financer certains projets très structurants comme le développement de notre logiciel propriétaire, l’édition d’un consumer magazine et le lancement d’une MDD, PharmaSoins®, développée dans la dermocosmétique, l’hygiène et les produits vétérinaires.


" Un réseau régional permet de concilier mutualisation et liberté.


Quelles sont les prochaines étapes du développement de CAP’UNIPHARM ?

F. C. : nous souhaitons que d’autres groupements régionaux nous rejoignent. Nous allons organiser un salon qui réunira l’ensemble des adhérents et nos laboratoires partenaires. Une autre étape importante va être le développement de notre enseigne commune, baptisée Ici Pharma.

Quel est le concept de cette enseigne ?

F. C. : il s’agit d’une enseigne de coopérative qui va nous permettre d’aller plus loin que la mutualisation des achats. Elle laissera une réelle liberté aux pharmaciens, tout en leur permettant de développer leur image et leur notoriété, à travers des actions de communication, notre MDD et notre carte de fidélité.

On compte actuellement des dizaines voire des centaines de groupements de pharmaciens, régionaux et nationaux. Face à cette concurrence, quels sont les atouts de CAP’UNIPHARM ?

F. C. : ce qui nous distingue des réseaux nationaux, ce sont la taille humaine de notre structure, la grande proximité qui existe entre les pharmaciens, ainsi que les retombées directes et tangibles dont ils bénéficient. A commencer par leur participation aux résultats de la coopérative, ce qui peut représenter des montants non négligeables. Pour qu’une telle structure fonctionne, il faut qu’elle offre, à la fois, un réel avantage économique, une puissance d’achats, un espace de convivialité et une vision de l’avenir du métier.

Carte d’identité de la pharmacie Chartier

Localisation de la pharmacie : Villenave d’Ornon (33140)

Zone de chalandise : zone résidentielle en périphérie de Bordeaux

CA annuel : 1,7 M

Effectif : 5 personnes

Surface : 100 m2



Interview réalisée en septembre 2021 pour le réseau d'expertise-comptable CGP et Les Echos Publishing

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