[INTERVIEW] NOTRE MISSION EST DE LUTTER CONTRE LE GASPILLAGE

Jeune pharmacien engagé dans la lutte contre le gaspillage, Arnaud Mallinger est le cofondateur et CEO de la start-up KéaBot.
3 août 2023 par
[INTERVIEW] NOTRE MISSION EST DE LUTTER CONTRE LE GASPILLAGE
Hélène SAGNES
Crédit photo : Droits réservés

D’où vous est venue l’idée de créer la société KéaBot ?

Arnaud Mallinger : j’ai toujours baigné dans l’anti-gaspillage depuis tout petit. À l’époque, mon père travaillait dans une grande surface où les employés récupéraient les fruits abîmés avec lesquels ma mère faisait de la confiture ou des tartes. Mon premier stage en officine m’a fait prendre conscience du nombre considérable de produits invendus à détruire. Dans les années 2016-2017, les start-up, comme To Good To Go, se sont développées pour lutter contre le gaspillage alimentaire, et l’idée m’est venue de créer un service analogue pour les produits parapharmaceutiques. J’ai finalement quitté mon laboratoire de recherche au cancéropôle de Toulouse et me suis inscrit à une formation en marketing à la Toulouse Business School. En janvier 2022, à la suite de la parution de la loi Anti-Gaspillage pour une Économie Circulaire (AGEC) qui empêche désormais les fournisseurs et distributeurs de jeter les invendus, j’ai sauté le pas pour cofonder KéaBot avec mon associé.

Quelle est la mission de KéaBot ?

A. M. : notre mission est de lutter contre le gaspillage de produits cosmétiques et parapharmaceutiques en mettant en relation le pharmacien avec le consommateur. Pour cela, nous avons d’abord développé un site internet, puis une application de Click & Collect référençant les produits disponibles à la vente, à proximité du consommateur (grâce à un système de géolocalisation). Le consommateur peut ainsi lancer une recherche, sur l’application, par catégorie de produits (par exemple, un shampooing ou du lait infantile), et consulter la liste des articles sur le point d‘être invendables, susceptibles de l’intéresser, leurs prix, ainsi que leurs points de vente. Il peut ainsi effectuer sa commande en ligne et reçoit un email lorsqu’elle est prête. Il peut alors se rendre en pharmacie la récupérer. Notre activité, centrée sur l’économie circulaire, permet également d’améliorer le pouvoir d’achat des Français, puisque les prix proposés sont bien inférieurs aux tarifs habituels, et d’optimiser le temps de travail des employés de l’officine qui peuvent préparer les commandes aux heures où ils sont les moins sollicités par leurs clients.

Quels produits sont concernés ?

A. M. : les consommateurs peuvent acheter tous les produits que l’on trouve en pharmacie, en dehors des médicaments et de certains dispositifs médicaux : des cosmétiques, de l’OTC (médicaments sans ordonnance), des compléments alimentaires, du lait infantile, de l’aromathérapie, de la phytothérapie ou encore des dispositifs médicaux (de classes I et IIa). Sont concernés les produits en surstock, dont la date de péremption est inférieure à 6 mois, ou encore ceux dont les emballages sont défectueux.

Qui sont vos clients et quel est votre modèle économique ?

A. M. : nous avons 3 types de clients : les titulaires d’officines, les laboratoires et le consommateur final. Nous proposons aux premiers notre marketplace afin d’écouler leurs produits invendus et d’éviter d’éventuels coûts de destruction, en cas d’absence de reprise par les laboratoires. La deuxième offre, plus récente, consiste en des dons de produits à courtes dates de péremption à des associations. Sa monétisation via un forfait auprès des laboratoires permet d’éviter, là aussi, des coûts de reprise de produits. Ces dons permettent également de disposer de déductions fiscales, mais aussi de créer du trafic dans les pharmacies partenaires. Nous constatons qu’un retrait de commande KéaBot entraîne bien souvent l’achat de produits additionnels dans la pharmacie. Enfin, la promotion de cette démarche de responsabilité sociétale auprès de ses clients est un réel facteur de différenciation vis-à-vis d’officines concurrentes du quartier. De plus en plus de consommateurs y sont, en effet, sensibles. C’est évidemment, par ailleurs, l’occasion pour ces derniers d’acheter des produits beaucoup moins chers, ce qui a du sens dans le contexte inflationniste actuel, loin d’épargner les produits de santé.

Quelles sont vos principales réussites à date ?

A. M. : notre application Click & Collect a été adoptée par environ 20 000 utilisateurs. Développée depuis l’été 2022, elle a permis d’atteindre 15 000 € de chiffres d’affaires les 6 premiers mois, soit 750 produits sauvés. Nous réalisons ainsi 5 à 10 ventes par jour.

Quelles sont les prochaines étapes pour KéaBot ?

A. M. : nous souhaitons tout d’abord accélérer notre développement en France, via la mise en place de partenariats avec des groupements notamment. Nous disposons actuellement de 5 partenaires privilégiés. Par ailleurs, nous allons bientôt communiquer sur la mise en place d’une collaboration avec un acteur qui nous fera bénéficier d’un réseau de distribution très conséquent. Nous ambitionnons donc d’atteindre 500 officines clientes d’ici le mois de septembre (actuellement, nous en avons 150) et 100 000 utilisateurs pour la fin de l’année. Nous espérons ainsi asseoir notre place de pionniers avant l’arrivée imminente de futurs concurrents.

KéaBot est une start-up à mission sociétale. En dehors de votre activité cœur de métier qu’est la lutte anti-gaspillage, par quoi se matérialise-t-elle ?

A. M. : en effet, nous ne cherchons pas uniquement à limiter notre impact environnemental, mais également à lutter contre la baisse du pouvoir d’achat (grâce à des produits dont les prix de ventes sont très faibles), favoriser le lien patient-pharmacien (puisque le patient vient en pharmacie récupérer sa commande), ou encore permettre le don associatif et aider ainsi les plus démunis.

Fiche d’identité
Dénomination : KéaBot
Activité : réemploi de produits parapharmaceutiques invendus
Nombre de clients : 150 officines
Nombre d’utilisateurs de l’application : 20 000 (5 à 10 ventes/jour)
Web : https://keabot.fr

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Hélène SAGNES 3 août 2023
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