Comme s’est constitué au départ le groupe Panorama ?
Jean Valfort : après mon école de commerce, j’avais une volonté farouche d’entreprendre sans avoir forcément identifié un projet particulier. J’ai d’abord lancé, en 2011, avec un ami de promo de l’Essec, le concept Blend hamburger. J’ai finalement quitté ce projet pour lancer avec un nouvel associé un concept de bar à tapas Farago dans le 10e à Paris, en 2013.
Sur les bases du succès de ce premier restaurant, nous avons fait une première petite levée de fonds (500 K€) en 2014. Nous avons décidé pour le développement du groupe de ne pas suivre les chemins habituels de ceux qui font le même métier. Nous ne voulions pas dupliquer le schéma Farago tel quel, mais construire un groupe plus diversifié en inventant de nouveaux concepts avec une dimension très créative en termes de décoration et de carte. Nous avons successivement ouvert à Paris le restaurant Canard & Champagne en 2016, puis Candelma autour de la crêpe en 2017 que nous avons revendu depuis.
À partir de 2018, tout s’accélère ?
J. V. : en effet, 2018 est une année charnière qui marque un tournant majeur dans notre développement. D’abord, nous inaugurons notre bistrot chic Astair situé dans le passage des Panoramas à Paris et pour lequel nous avons travaillé avec l’architecte d’intérieur Tristan Auer qui venait de refaire l’hôtel de Crillon. Ensuite, nous réalisons notre première implantation en province avec l’ouverture à Nice de Farago on the Roof, un restaurant éphémère qui n’ouvre que l’été sur un toit terrasse en partenariat avec l’hôtel Marriott. Enfin, nous prenons un premier virage stratégique avec l’ouverture de notre première dark kitchen dans le 15e à Paris à la marque du même nom dont nous sommes propriétaire. Cette ouverture préfigurait le positionnement actuel du groupe sur ces deux activités que nous avons décidé de cloisonner.
Comment êtes-vous monté en puissance sur l’activité dark kitchen ?
J. V. : nous avons réalisé une deuxième levée de fonds de 1 M€ en 2019 pour cette activité. Cet apport en capital nous a permis d’ouvrir 4 dark kitchen supplémentaires (à Paris et Bordeaux). En 2020, année qui a consacré, avec la crise sanitaire, la montée en puissance de la restauration livrée, notre activité dark kitchen a explosé. Cette explosion s’est accompagnée de nombreuses interrogations sur notre modèle et les évolutions à y apporter. Quand vous devez, tout d’un coup, assurer 200 commandes par point de vente chaque jour, vous vous retrouvez confrontés à des problématiques opérationnelles fortes. D’abord, la gestion du personnel avec une cinquantaine de salariés dédiés à l’activité dark kitchen qui sont dispatchés dans divers points de vente. Ensuite, un métier compliqué où vous faites du retail à la minute avec des problématiques de cuisson, d’ingrédients, de dosage et de qualité à assurer à grande échelle. Notre réflexion nous a conduit à opérer un second virage stratégique avec la bascule vers la franchise. Car, selon nous, l’élément clé de réussite d’une dark kitchen est la présence d’un patron sur place. Nous en profitons pour changer de marque pour Dévor (pour Delivered to your door) car Dark Kitchen en tant que nom générique prêtait à confusion. La première franchise ouvre à Lille courant mars et nous projetons 9 ouvertures au total sur 2021.
Le modèle dark kitchen est parfois critiqué ?
J. V. : nous sommes sur une industrie nouvelle au processus d’acceptation lent avec trois phases. Après avoir été moqué dans un premier temps, le modèle a ensuite été combattu. Nos détracteurs l’assimilent à de la malbouffe, à de l’industrialisation et soulèvent le sujet à controverse du traitement des livreurs. La troisième phase sera, j’en suis convaincu, l’acceptation large et commune du principe. Nous avons notamment changé de nom pour Dévor pour dédiaboliser le phénomène. Nos restaurants sont tout sauf dark, car ils ont pignon sur rue, avec des cuisines baignées de lumière extérieure. Nous avons des salariés en CDI et nous travaillons des produits frais auprès de fournisseurs sélectionnés en France.
L’autre nouveauté de Dévor est l’ajout d’une brique courses du quotidien ?
J. V. : nous optons, en effet, pour un modèle désormais hybride avec l’ajout d’une brique dark grocery, car nous pensons que ces 2 activités (la commande de petites courses du quotidien et la commande de repas) sont complémentaires dans l’alimentaire. L’avenir est dans le e-commerce instantané. Le consommateur voudra demain être livré tout de suite. La livraison de repas est déjà dans ce principe d’instantanéité. Il nous suffit juste d’ajouter une marque dans notre dark kitchen qui propose des produits du quotidien (lait, oeufs, pâtes...) que nous utilisons déjà dans nos cuisines et de l’épicerie fine premium de petits fournisseurs, soit environ un assortiment de 80 références.
Comment envisagez-vous l’avenir dans ce contexte si particulier ?
J. V. : nous avons la chance d’être très actifs en ce moment et j’ai conscience que c’est un luxe en ces temps particulièrement compliqués. Nous avons de fortes ambitions sur Dévor, car nous sommes persuadés que c’est un véritable relais de croissance complémentaire à notre activité de restauration traditionnelle. Nous voulons le faire bien, de façon non industrielle, car nous sommes avant tout des restaurateurs. Pour Dévor, nous prévoyons d’être dans une trentaine de villes en 2022, mais cela reste un objectif. Plus que jamais, dans la restauration, nous naviguons à vue et il est donc difficile de fixer des objectifs à plus d’un an ! Notre autre priorité est de sauver l’activité de nos restaurants traditionnels quand nous pourrons rouvrir. Nous avons souscrit des PGE qu’il va falloir rembourser. Mais nous restons confiants sur la reprise et le retour des Français au restaurant.
Fiche d’identité
Dénomination : Groupe Panorama
Activité : restauration traditionnelle sur place et dark kitchen (Dévor)
Parc 2020 : Restauration traditionnelle : 6 (4 à Paris et 2 à Nice) ; Dark kitchen : 5 cuisines et 5 marques virtuelles
Web : www.panorama.group et www.devor.me