[INTERVIEW] LAETITIA HIBLE, PRESIDENTE DE PHARMA SYSTEME QUALITE

1 juin 2020 par
[INTERVIEW]   LAETITIA HIBLE, PRESIDENTE DE PHARMA SYSTEME QUALITE
LES ECHOS ETUDES

Pharmacienne titulaire à Saint-Pantaléon-de-Larche et présidente de l’association Pharma Système Qualité, Laëtitia Hible promeut une approche concrète de la qualité, au service du management et de la gestion de la pharmacie. Interview.

Vous êtes présidente de Pharma Système Qualité depuis 2017. Quelles sont les missions de votre association ? 
Laetitia Hible
: notre vocation est d’accompagner les pharmaciens dans la mise en place d’une démarche qualité et l’obtention d’une certification ISO 9001 – QMS Pharma. Nous privilégions une approche pragmatique, orientée vers le management de l’équipe, la gestion de l’officine et l’évaluation des risques économiques. En somme, il s’agit d’introduire les principes du management par la qualité et aider les titulaires à formaliser cette démarche.

Quelles sont les étapes clés de la certification ?

L.H.
: le processus est organisé en 5 étapes : l’autodiagnostic, qui permet de dresser un état des forces et des axes d’optimisation ; la phase opérationnelle de mise en place des process et des outils ; l’auto-évaluation, réalisée au terme de 6 à 8 mois après le démarrage ; et enfin, l’audit interne et celui réalisé par l’organisme certificateur. Dérouler l’ensemble de ces étapes et acquérir les fondamentaux du référentiel prend en général 12 à 18 mois. Mais le travail ne s’arrête pas là : la démarche qualité s’inscrit dans la durée et requière généralement un engagement de trois ans. Le temps nécessaire pour qu’elle s’intègre complétement dans la gestion opérationnelle de l’officine.

Quelle organisation avez-vous mis en place pour assurer cette mission ?
L.H.
: nous travaillons avec un prestataire spécialisé dans le management de la qualité (Carron Consultants) et l’organisme certificateur Bureau Veritas. Nous travaillons en parallèle avec 17 groupements partenaires qui représentent environ 11 000 officines adhérentes. Ces groupements sont notre relais auprès des pharmaciens.

Quels outils mettez-vous à disposition des pharmaciens ?
L.H.
: le manuel ISO 9001–QMS Pharma, ainsi qu’une base documentaire et des outils pratiques : notes et modèles de tableaux de bord, référentiels de gestion des compétences et des ressources humaines… Nous avons par ailleurs développé le logiciel LQO (pour Logiciel Qualité Officine) qui permet aux pharmaciens de gagner du temps dans le suivi des process et indicateurs. Enfin, nous soutenons aussi leur motivation : ils peuvent accéder à une hotline et assister à des web-conférences. Ils bénéficient en outre de formations et d’un accompagnement personnalisés, assurés par un chef de projet ou le responsable qualité de leur groupement.

Quel est le coût d’une certification ?
L.H.
: en général, pour un professionnel qui se lance seul dans la démarche, une certification coûte entre 8 000 à 12 000€. En passant par notre association et son groupement, ce coût est divisé par 3 ou 4. Ce qui représente un budget de 3 150€ sur trois ans. Le coût n’est donc pas un frein en tant que tel, et largement inférieur aux gains générés par la démarche.

Comment évaluez-vous justement ces gains ?
L.H.
: on l’évalue à la fois qualitativement (sécurisation du pilotage de la pharmacie, émulation au sein de l’équipe…) et quantitativement (réduction des dysfonctionnements, des erreurs de dispensation et des rejets de caisse, traçabilité des ventes ratées…). Nous avons mené en 2017 une enquête auprès de 60 pharmacies qui nous a permis d’estimer entre 4 et 5 % le coût de la non-qualité, rapporté au chiffre d’affaires moyen de l’officine. Mais l’intérêt de la démarche va au-delà. Elle apporte un gage de confiance aux partenaires de l’officine : sa banque, ses fournisseurs, les Ehpad pour l’activité de PDA… N’oublions pas que la certification peut aussi être un bon argument de vente en cas de cession. Enfin, nous mesurons les retombées positives de la certification par le fait que 80 % des pharmaciens certifiés se réengagent après 3 ans. Signe de l’utilité de la démarche !

La mesure de la satisfaction des clients entre-t-elle dans les critères d’évaluation ?
L.H.
: oui, nous menons tous les trois ans une enquête auprès des clients des officines certifiées, ce qui permet de suivre dans le temps l’impact de la qualité sur le niveau de leur satisfaction. La dernière enquête, menée en 2018, a été administrée auprès de 33 000 personnes, une base solide et riche d’enseignements.

Combien de pharmacies sont-elles aujourd’hui certifiées ?
L.H.
: nous comptons actuellement 2 700 pharmacies, soit environ 13 % de l’ensemble du réseau officinal. Ces officines se répartissent à hauteur de 300 officines ayant adhéré directement à l’association et 2 400 qui sont passées par leur groupement.

C’est peu, au regard de la taille du réseau officinal. Comment l’expliquez-vous ?
L.H.
: il faut reconnaître que la certification peut faire peur car elle s’accompagne de procédures qui engagent à la fois le titulaire et son équipe. La principale objection des pharmaciens est donc le manque de temps. C’est là où notre mission pédagogique est clé, pour convaincre du bien-fondé de cette démarche et faciliter son déroulement grâce à des outils efficaces et faciles d’utilisation. 

Y a-t-il un profil particulier de pharmacies certifiées ?
L. H.
: Pharma Système Qualité s’adresse à toutes les officines, quel que soit leur modèle économique. Les 2 700 officines qui se sont engagées avec nous ne répondent pas à un profil type. En revanche, l’impact de la certification est différent selon la taille de la pharmacie. Pour celles de moins de 1,5 M€, le pilotage financier est prioritaire, alors que dans les grandes pharmacies, la certification a une utilité significative sur l’organisation, les délégations de tâches, la sécurisation de certains process…

Avez-vous fixé des objectifs en termes de nombre d’officines certifiées ?
L. H.
: nous souhaitons convertir à la certification 20 % des adhérents de chaque groupement partenaire. Ce pourcentage est celui que l’on constate dans la majorité des réseaux de professionnels indépendants, quelle que soit leur activité. 

« La certification qualité s’inscrit dans une démarche stratégique de long terme. »

L’exercice officinal ne cesse d’évoluer, avec une place croissante accordée aux services pharmaceutiques. Quels sont, dans ce contexte, les enjeux de la certification qualité en pharmacie ?
L. H. : l’évolution de la pharmacie vers une économie de services élargit le champ de la certification : plus d’activités à organiser, plus d’indicateurs à mettre en place, etc. Ce basculement du modèle officinal doit s’accompagner d’une adhésion plus importante à cette démarche. Cette question fait son chemin au sein de la profession. L’Ordre des pharmaciens souhaite la promouvoir activement, de même que la quasi-totalité des groupements et enseignes de pharmacies. Nous entrons dans un monde de procédures et de contrôles, où la responsabilité professionnelle de chacun est engagée. Nous avons donc un impératif de traçabilité de tous les actes que nous réalisons. La certification qualité revêt un enjeu important pour la profession et s’inscrit désormais dans une démarche institutionnelle.

Fiche d’identité de Pharma Système Qualité (QMS Pharma)
Statut : association loi 1901
Création : 2009
Nombre d’audits réalisés : 800 par an en moyenne
Nombre d’officines adhérentes au 17 groupements partenaires : 11 000
Coût de la certification hors passage par un groupement : droit d’entrée de 1 200€ + 1 050€ par ans (sur 3 ans)

Interview réalisée en mars 2020 pour le compte du réseau d'experts-comptables CGP. 

[INTERVIEW]   LAETITIA HIBLE, PRESIDENTE DE PHARMA SYSTEME QUALITE
LES ECHOS ETUDES 1 juin 2020
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