[INTERVIEW] L'HUMANITE EST TROP PRECIEUSE POUR FAIRE LE TRAVAIL D'UNE MACHINE

Stanley Robotics accompagne les entreprises du transport et de la logistique vers une digitalisation et une robotisation de leurs activités. Interview de Clément Boussard, son cofondateur.
17 juillet 2023 par
[INTERVIEW] L'HUMANITE EST TROP PRECIEUSE POUR FAIRE LE TRAVAIL D'UNE MACHINE
LES ECHOS ETUDES
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Quel a été votre parcours avant de vous lancer dans l’aventure Stanley Robotics ?

Clément Boussard : j’ai suivi un parcours classique. Un bac+5 en mathématiques décroché à Paris-Saclay. Université dans laquelle un de mes enseignants m’a fait découvrir la théorie du contrôle, un pan des mathématiques appliquées, qui, via des équations, permet d’initier des actions sur le monde concret comme piloter des bateaux ou des voitures. Cette approche m’a passionné et m’a conduit à soutenir une thèse de doctorat sous la direction d’un professeur de l’École des Mines. Thèse qui portait sur le fonctionnement des voitures autonomes en conditions de risque. Mon doctorat en poche, j’ai rejoint l’Institut national de recherche en informatique et automatique, l’Inria, comme chercheur post-doc, puis, à l’issue d’un concours, j’ai intégré un institut de recherche de l’Université Gustave-Eiffel au sein duquel j’ai poursuivi mes recherches sur les interactions entre une voiture autonome, son conducteur et son environnement.

Comment vous est venue l’idée de fonder Stanley Robotics ?

C. B. : c’est dans cet institut que j’ai rencontré Aurélien Cord, avec qui, deux ans plus tard, nous fonderons Stanley Robotics. Nous nous sommes très bien entendus et, rapidement, nous nous sommes demandés si développer un « cerveau » pour équiper une voiture autonome qui passe 98 % de son temps à l’arrêt était la meilleure solution. Et s’il n’était pas plus intéressant de sortir ce cerveau de cette voiture pour le mettre à disposition de plusieurs automobiles afin de rendre chacune d’elles autonome uniquement lorsqu’elle en a besoin. Cette approche nous permettait également d’être en capacité de faire évoluer en permanence ce cerveau, ce qui n’était pas possible s’il restait intégré dans chaque véhicule. En fait, nous souhaitions développer un système à la fois performant, que l’on maîtrise – autrement dit qui n’était ni dans les mains d’un constructeur automobile, ni dans celles d’un équipementier –, et qui répondait à un cas d’usage majeur de la voiture autonome. C’est ce raisonnement qui nous a conduits à créer notre entreprise en 2015.

Quels sont ces cas d’usage ?

C. B. : pour l’utilisation des voitures autonomes par le grand public, il existe deux cas d’usage majeurs clairement définis : la circulation sur autoroute et le parking. C’est ce second usage que nous avons retenu. Comme tous bons chercheurs, pendant les 6 premiers mois, nous nous sommes documentés sur ce marché pour devenir des experts du parking et ainsi être en mesure de bâtir une offre performante et novatrice. L’idée était de proposer un service de voiturier qui permettrait, d’une part, au conducteur de confier, à l’entrée d’un parking, sa voiture à un robot intelligent pour qu’il la gare et la lui ramène à son départ, et d’autre part, au gestionnaire de parking d’optimiser le rangement des véhicules pour accroître son chiffre d’affaires. Pour convaincre notre premier client, plutôt que de concevoir un prototype, nous avons développé un simulateur qui permettait de mettre en lumière la valeur créée par notre solution et d’en fixer son prix. Grâce à ce premier client et au soutien de notre laboratoire, nous avons créé notre entreprise, décroché des bourses et des subventions et nous avons été accueillis dans un incubateur, Agoranov, au sein duquel nous avons conçu le premier prototype de nos chariots élévateurs autonomes.

Quels ont été vos premiers clients ?

C. B. : nous nous sommes rapidement concentrés sur les parkings de voyageurs des aéroports. C’est un modèle très intéressant car il est très prédictible – les voyageurs connaissant leur horaire de retour, il est plus simple d’optimiser le taux d’occupation du parking – et son exploitation représente une part importante des revenus des aéroports, notamment des grands aéroports régionaux. Après avoir expérimenté notre solution chez Aéroport de Paris, nous avons installé notre dispositif dans les aéroports de Lyon, Gatwick ou Bâle-Mulhouse. Tout se passait bien, mais le Covid-19 est arrivé, mettant à l’arrêt les avions et notre activité. Pour donner une idée de la violence du coup de frein, nous avions signé pour 4,5 M€ de prestations début 2020 et on a fini l’année sur un chiffre d’affaires de 450 000 €.

Comment avez-vous réagi ?

C. B. : d’abord avec douleur, car nous avons dû nous séparer de la moitié de nos collaborateurs. Nous étions 75 avant l’épidémie. Ensuite, il a fallu nous réinventer, nous interroger sur les marchés à investir. On s’est alors posé la question de la logistique indoor, de la distribution automatique des voitures de location, des transports sur les tarmacs d’aéroport et de la gestion logistique des automobiles qui sortent des usines des constructeurs. Ce derniers domaines présentaient de fortes similarités avec celui des parkings d’aéroports : un nombre important de véhicules stockés sur un parking, des mouvements prédictibles et un environnement fermé, raison pour laquelle nous l’avons retenu. Nous avons rapidement eu des retours positifs.

Où en êtes-vous aujourd’hui ?

C. B. : aujourd’hui, nous sommes très investis dans la logistique automobile. Nous avons beaucoup travaillé sur nos robots intelligents, mais aussi sur le logiciel central de gestion et de management qui vient orchestrer ces robots. Nous avons signé avec un gros client allemand, Mosolf, pour lequel nous gérons un parking de 1 000 voitures sorties d’usine. Nous devrions bientôt administrer un site en France, et nous sommes en discussion avec des prospects en Angleterre, aux États-Unis et au Canada. Parallèlement, nous avons signé un accord-cadre avec Mitsubishi Heavy Industries pour nous développer au Japon et en Asie-Pacifique.

Fiche d’identité
Dénomination : Stanley Robotics
Activité : création et gestion de véhicules intelligents
Création : 2015
Effectif : 40 personnes
Web : www.stanley-robotics.com

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LES ECHOS ETUDES 17 juillet 2023
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