LA PHYTOTHERAPIE EST UN RETOUR AUX SOURCES DU METIER DE PHARMACIEN

11 décembre 2019 par
LA PHYTOTHERAPIE EST UN RETOUR AUX SOURCES DU METIER DE PHARMACIEN
LES ECHOS ETUDES

Jean-Claude Sonntag, pharmacien titulaire de la Pharmacie des Thermes à Nancy, est spécialisé dans la phytothérapie. Il met son expertise au service de ses patients depuis 40 ans et accompagne le développement du laboratoire de produits bio Natuval. Interview.

Vous fêtez cette année le 40e anniversaire de votre pharmacie, devenue, à Nancy, une référence dans le domaine de la phytothérapie. Pourquoi avoir fait ce choix de spécialisation ?
Jean-Claude Sonntag : ce choix relève d’une véritable vocation et d’un intérêt ancien pour la pharmacognosie, domaine que j’ai étudié au cours de mon double cursus de pharmacien et de biologiste. J’ai notamment suivi l’enseignement de Jean-Marie Pelt, figure historique de l’écologie, professeur de botanique et de biologie médicale. Devenu pharmacien d’officine à la fin des années 1970, j’ai commencé à réaliser des préparations sur mesure grâce à un ami médecin qui prescrivait des traitements de phytothérapie à ses patients. C’était déjà, à l’époque, une discipline de plus en plus marginale. Peu de pharmaciens s’y intéressaient. Mais au fil du temps, cette spécialisation est devenue un vrai facteur de différenciation et une force pour ma pharmacie. Car nous sommes installés dans un quartier un peu excentré du centre-ville, avec peu de commerces. Nous avons ainsi fidélisé une clientèle qui vient de tout Nancy et de ses alentours.

La phytothérapie a le vent en poupe. Confirmez-vous l’engouement actuel des patients pour cette alternative thérapeutique ?
J.-C. S. : tout à fait. On observe un véritable intérêt pour la pharmacie à base de plantes. Un intérêt nourri par la méfiance croissante à l’égard des médicaments allopathiques, le souhait de revenir à une approche plus humaniste de la médecine et le besoin d’une prise en charge plus personnalisée. Cette évolution rend d’ailleurs la situation de la phytothérapie très paradoxale dans la mesure où celle-ci est de moins en moins pratiquée par les médecins et les pharmaciens, alors que la demande augmente fortement. À Nancy, par exemple, il n’y a plus de médecins phytothérapeutes. Ce vide représente une véritable opportunité pour une pharmacie comme la mienne qui en a fait sa spécialité.

Concrètement, comment assurez- vous la prise en charge des patients qui souhaitent se soigner par la phytothérapie ?
J.-C. S. : nous privilégions les préparations sur mesure, que nous élaborons à partir de 400 teintures mères ou extraits fluides et de 50 à 60 huiles essentielles. Les pathologies ou troubles traités sont divers : insomnie, stress, dépression, problèmes circulatoires, détox du foie… soit en prévention, soit en curatif. Les formules associent au maximum 5-6 plantes dont les actions sont complémentaires et qui agissent plus sur les causes que sur les symptômes. Il faut savoir qu’en moyenne, une dizaine de plantes peuvent traiter un trouble ou un signe clinique. Le rôle du pharmacien est donc de sélectionner celles dont l’association sera le plus efficace. La thérapeutique ne peut pas être standardisée ni préparée à l’avance. Elle doit s’adapter à chaque cas particulier et tenir compte du « terrain » présenté par le patient. Autre point important : la phytothérapie agit en complément de l’allopathie. Nous ne nous substituons pas à la prescription médicamenteuse du médecin.

« L’univers des plantes est très complexe, il faudrait
plusieurs vies pour le connaître réellement. »

Que représente, en volume, cette activité de préparations magistrales de phytothérapie ?
J.-C. S.
: nous réalisons en moyenne une trentaine de préparations par jour, souvent en renouvellement de traitement. Un flacon de 125 ml (80 à 100 gouttes par jour), qui constitue le contenant habituel pour un traitement de 15 jours, est facturé 15,60 €, et ce quelles que soient les plantes utilisées. Ce prix inclut les délais de préparation et le temps de consultation passé avec le patient (compréhension de son état et de ses attentes, explication de la posologie, etc.). Au global, cette activité représente 20 à 25 % de notre chiffre d’affaires total.

Les traitements de phytothérapie ne sont pas remboursés par l’Assurance maladie. Ce prix est-il bien accepté par les patients ?
J.-C. S.
: oui, les patients acceptent ce tarif sans difficulté. Les traitements se substituent généralement à l’automédication classique, laquelle revient souvent plus cher !

En parallèle de votre activité officinale, vous avez participé, en 2010, à la création de Natuval, un laboratoire de production. Un laboratoire dont vous êtes actionnaire et conseiller technique. Qu’est-ce qui vous a incité à vous lancer dans cette nouvelle entreprise ? 
J.-C. S.
: il s’agit d’une entreprise passionnante qui est le prolongement naturel de mon activité de pharmacien. Natuval est spécialisé dans la fabrication de jus de curcuma frais bio, une plante aux propriétés très intéressantes, à la fois antioxydantes, anti-inflammatoires et hypocholestérolémiantes. La gamme se décline actuellement en trois références : curcuma simple, curcuma associé à la canneberge et curcuma associé au gingembre. La culture de rhizomes est localisée dans un village de Côte d’Ivoire, tandis que leur pressage et la pasteurisation des jus sont assurés sur le site de production, à Vandœuvre-lès-Nancy.

Comment la commercialisation de ces produits est-elle assurée ?
J.-C. S.
: ces produits sont commercialisés à la fois en pharmacie et sur Internet. La vente en ligne a ainsi permis de développer l’activité à l’export et d’être présent dans plusieurs pays européens, en Belgique, en Allemagne et dans les pays baltes. La croissance de l’activité a permis de recruter cinq personnes. Ce succès est la confirmation du potentiel élevé des produits bio et des traitements préventifs à base de plantes. Le développement de Natuval devrait se poursuivre avec l’élargissement de l’offre de produits et la poursuite des ventes en France et à l’export.

Parlons avenir de la pharmacie d’officine. Quels conseils donneriez-vous à un jeune pharmacien diplômé qui souhaiterait s’installer ?
J.-C. S.
: j’en donnerais principalement un : se spécialiser dans un domaine porteur afin de se différencier et de mettre en avant une expertise forte. Et ce, quels que soient les domaines investis, qu’il s’agisse de la phytothérapie, de la micronutrition, du maintien à domicile ou de l’orthopédie… Il me semble que c’est aujourd’hui la seule alternative pérenne au modèle de la pharmacie très commerciale qui se transforme progressivement en un « supermarché » de la santé. L’intérêt spécifique de la phytothérapie est qu’elle fait partie intégrante du métier de pharmacien tout en répondant aux attentes fortes de nos patients.

Merci à Jean-Claude Sonntag pour sa disponibilité et son partage d'expérience. 

Interview menée en octobre 2019 par Hélène Charrondière pour le compte des Echos Publishing (pôle Brand Content et communication éditoriale du groupe Les Echos) et d'ActuPharma, revue trimestrielle du réseau d'experts-comptables CGP. 

LA PHYTOTHERAPIE EST UN RETOUR AUX SOURCES DU METIER DE PHARMACIEN
LES ECHOS ETUDES 11 décembre 2019
Partager cet article
Étiquettes
Archiver