LES PRATIQUES AVANCÉES DES INFIRMIERS PROGRESSENT À PETITS PAS

28 mars 2018 par
LES PRATIQUES AVANCÉES DES INFIRMIERS PROGRESSENT À PETITS PAS
LES ECHOS ETUDES

 S’inspirant du modèle anglo-saxon, l’exercice infirmier devrait être bientôt élargi à de nouveaux actes techniques et cliniques. Une opportunité pour valoriser la place de cette profession dans l’organisation des soins primaires.
Prévue dans la loi de santé de 2016, la création du statut d’« Infirmière en pratiques avancées » (IPA) s’inscrit dans la réorganisation des soins de ville et le virage ambulatoire que doit opérer notre système de santé. Les parlementaires ont souhaité donner aux infirmiers la possibilité d’assurer en propre des consultations, participer au suivi de patients souffrant de pathologies chroniques et prescrire certains produits de santé. Des missions destinées à « offrir de nouveaux services à la population et améliorer la qualité du processus de soins et ce, dans un contexte d’une nécessaire structuration de l’offre de soins ambulatoire ». Structuration liée notamment à la persistance de nombreux déserts médicaux qui appellent de nouvelles formes de coopération entre professionnels de santé.
Après de longs mois de négociation, un décret et deux arrêtés devraient être bientôt publiés. Encore en projet et pouvant faire l’objet de derniers arbitrages, ces textes prévoient 3 niveaux d’intervention, en présentiel ou à distance. Le premier concerne l’orientation, l’éducation, la prévention et le dépistage. Deuxième niveau : l’implication des infirmières dans la coordination des parcours de soins (ville-hôpital, MG-spécialistes). Le troisième prévoit que les IPA puissent conduire des entretiens avec des patients afin d’évaluer leur situation clinique. En fonction des résultats, ils/elles pourront prescrire des examens complémentaires, certains dispositifs médicaux, ainsi que des médicaments de prescription médicale facultative (PMF). Le renouvellement ou l’adaptation de certaines prescriptions médicales seront aussi autorisés. Deux projets d’arrêtés précisent leurs domaines d’intervention : le premier liste les pathologies concernées (AVC, artériopathies chroniques, cardiopathies, maladie coronaire, diabètes de type 1 et 2, insuffisance respiratoire chronique, maladie d’Alzheimer et autres démences, maladie de Parkinson et épilepsie) et le second définit les examens, actes de prévention, médicaments et dispositifs médicaux que l’IPA sera autorisé à prescrire ou à renouveler.
Cet exercice rénové du métier d’infirmier devra faire l’objet d’une formation préalable (master) ou d’une VAE. Il devrait, par ailleurs, être très encadré par les médecins. Il est en effet prévu que ces derniers choisissent les patients qui pourront bénéficier de ce nouvel accompagnement infirmier. Un encadrement mal vécu par les représentants ordinaux et syndicaux de la profession qui aspiraient à plus d’autonomie.

De vives oppositions s’expriment déjà du côté des médecins
Cette évolution s’inscrit dans un processus engagé depuis plusieurs années. Rappelons, en effet, que les infirmières peuvent depuis 2012 prescrire certains dispositifs médicaux dès lors qu’ils sont inscrits sur la liste des produits et prestations remboursables (pansements, compresses, appareils et accessoires pour perfusion à domicile, accessoires pour lecteur de glycémie…). D’autre part, la délégation de tâches existe déjà en oncologie, avec les « infirmières de coordination » qui sont habilitées à coordonner des chimiothérapies prescrites à l’hôpital ou dans les CLCC et réalisées en ambulatoire. Elles informent les patients des effets secondaires et des événements intercurrents de la chimiothérapie, et contactent le médecin si nécessaire.
Malgré ces expériences de délégations de tâches (auxquelles on devrait aussi rajouter le rôle essentiel que jouent de nombreuses infirmières dans les MSP), les principaux syndicats de médecins accueillent le statut d’IPA avec énormément de réticences, certains dénonçant un « étage de soins » supplémentaire, selon l’expression du Dr Jean-Paul Ortiz, président de la CSMF. La notion de délégation de tâches est loin d’être entrée dans les pratiques médicales, la peur des médecins étant de se voir dépossédés d’une partie de leurs prérogatives.

Le statut d’IPA a pourtant fait ses preuves dans plusieurs pays étrangers
Exerçant depuis de nombreuses années en Suisse, au Royaume-Uni et en Amérique du Nord, les IPA ont démontré leur utilité dans la prise en charge en ambulatoire de certains soins. Outre-Manche, les autorités de santé ont créé en 1980 le statut de « Nurses Practitioner » qui permet aux infirmières, après une formation universitaire niveau master, d’assurer une partie des soins primaires de médecine, de pédiatrie, d’obstétrique et de gynécologie. Elles sont autorisées à mener des anamnèses, des diagnostics et des prescriptions dans certaines pathologies. Dans des domaines comme la prise en charge de la douleur, l’infirmière peut même être le seul interlocuteur du patient ! Autre exemple, celui du Canada où les pratiques des infirmiers cliniciens spécialisés (ICS) sont reconnues depuis le début des années 2000. Ils peuvent poser certains diagnostics, ordonner et interpréter des tests, prescrire des médicaments et même effectuer certaines interventions de manière autonome. Des périmètres d’intervention plus larges qu’en France donc. Mais au vu des oppositions exprimées par de nombreux médecins, le chemin vers le modèle anglo-saxon des IPA risque dans notre pays d’être encore long…

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LES ECHOS ETUDES 28 mars 2018
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