Le transport ferroviaire de marchandises au sein de l’UE élargie à la Suisse connaît de profondes transformations en application de la réglementation européenne
Jusqu’en 2000, comparer les trafics kilométriques opérés par les compagnies nationales fournissait d’abord des indications sur la puissance économique des différents pays considérés et sur la place du rail dans le transport de marchandises de ces pays. Désormais, et de plus en plus nettement dans la dernière période, le trafic kilométrique opéré par une entreprise de transport ferroviaire traduit une position sur un territoire national, le plus souvent ouvert à la concurrence intra modale, à laquelle s’ajoutent, éventuellement, des positions acquises sur d’autres territoires nationaux. Il devient dès lors pertinent de comparer les envergures de chaque opérateur. On peut ainsi constater la position dominante acquise par DB Schenker Rail, leader incontestable du fret ferroviaire et, via sa filiale Kombiverkehr, du transport combiné rail/route. On observe aussi le déclin de ses principaux challengers, Fret SNCF et PKP Cargo, qui ont subi les mêmes chocs, à savoir un recul de la part modale sur leur territoire historique (France et Pologne), une montée en puissance tardive mais rapide de la concurrence sur ce territoire, et une stratégie internationale qui a tardé à se déployer de manière cohérente. Il faut ajouter que la SNCF a perdu sa position de leader historique du transport combiné rail/route. On note enfin la montée en puissance d’autres acteurs de taille européenne qui ont joué pleinement la carte du positionnement international et de l’articulation avec le transport combiné. Il s’agit des opérateurs historiques autrichien, RCA, italien, FS, et suisse, CFF SBB Cargo.
L’identification du métier du fret ferroviaire conduit à s’interroger sur son modèle de performances.
Cette interrogation n’est pas aisée à conduire d’abord parce que le chantier est vaste dans la mesure où il concerne la stratégie, le pilotage, l’organisation, l’opérationnalité, les modalités d’exercice des métiers ; ensuite parce que les indicateurs de mesure de la performance ne sont pas toujours accessibles, disponibles, comparables. L’analyse conduit cependant à discerner trois modèles de performance qui ont fait leur preuve dans la période récente même s’ils ne sont pas exempts de points faibles et de risques. Il s’agit du modèle DB Schenker Rail fondé sur la stratégie, du modèle Green Cargo, fondé sur la maîtrise d’une offre en réseau, et du modèle balte, fondé sur l’exploitation de trains lourds.
Le fret ferroviaire européen sur la décennie 2010/2020
Alors que les transformations engagées dans la décennie précédente sont inachevées et que les incertitudes demeurent fortes quant à la capacité de la plupart des opérateurs à s’inscrire dans un modèle de performance satisfaisant, les inquiétudes relatives à la conjoncture économique européenne constituent un risque majeur de déstabilisation. Sauf à imaginer que le fret ferroviaire ne devienne une composante marginale de l’activité de groupes de transport et de logistique d’envergure européenne, loin des enjeux du défi climatique analysés dans le cadre de l’étude sur l’évolution de la part modale du fret ferroviaire en Europe, les opérateurs seront rapidement confrontés à leur capacité à mettre en œuvre des modèles performants adaptés à leur singularité et aux attentes, notamment en matière de transport diffus.